L’établissement d’un gradient électrochimique de part et d’autre de la membrane joue un rôle crucial dans la bioénergétique cellulaire, notamment dans la production d’ATP et la motilité des bactéries. Ce gradient, aussi connu sous le terme de force proton-motrice (PMF), a longtemps été considéré comme homogène dans la cellule. Néanmoins, des études récentes remettent en cause ce constat en révélant un comportement dynamique à l’échelle de la cellule unique et de la communauté. En outre, la ségrégation latérale des complexes respiratoires en charge de l’établissement de ce gradient, observée à la fois chez les procaryotes et les eucaryotes, interroge sur l’existence d’une hétérogénéité spatiale de la force proton-motrice. Dans le cadre du projet ANR FLAGMOTOR, les biophysiciens de l’équipe Pedaci au CBS et les microbiologistes de l’équipe Magalon au LCB ont combiné l’utilisation d’une pompe à protons activée par la lumière et la détection du moteur flagellaire bactérien pour perturber et sonder la PMF dans des cellules uniques. Nos mesures montrent que les cellules peuvent modifier leur PMF en quelques dizaines de millisecondes seulement, un temps caractéristique non mesuré jusqu’à présent et lié aux paramètres électriques de la cellule. De plus, des perturbations localisées provoquent une homogénéisation latérale rapide, plus rapide que la diffusion des protons, similaire à la propagation du potentiel électrotonique observée dans les neurones passifs et expliquée par la théorie du câble. Cela suggère un couplage global entre les sources et les consommateurs de PMF le long de la membrane, ce qui empêche une hétérogénéité spatiale soutenue de la PMF mais permet des changements temporels rapides. En conclusion, les propriétés électrophysiologiques des bactéries et des neurones, malgré leur grande différence de taille, présentent des caractéristiques et des échelles de temps similaires.
Electrochemical gradients across biological membranes play a crucial role in cellular bioenergetics, including ATP production and motility in bacteria. These gradients, known as the proton motive force (PMF), were once believed to be stable, but recent research has revealed dynamic behavior at both the single-cell and community levels. Additionally, the lateral segregation of respiratory complexes encountered in both prokaryotes and eukaryotes suggests a spatial heterogeneity of the PMF. In the frame of the FLAGMOTOR ANR project, biophysicists from Pedaci’s team at CBS and microbiologists from Magalon’s team at LCB combined the use of a light-activated proton pump and the detection of the bacterial flagellar motor to perturb and probe the PMF in single cells. Our measurements show that cells can change their PMF in just tens of milliseconds, a previously unmeasured characteristic time related to the cell’s electrical parameters. Moreover, localized perturbations caused rapid lateral homogenization, faster than proton diffusion, similar to the electrotonic potential spread observed in passive neurons and explained by cable theory. This suggests global coupling between PMF sources and consumers along the membrane, which precludes sustained PMF spatial heterogeneity but allows for rapid temporal changes. In conclusion, electrophysiological properties of bacteria and neurons, despite their vast difference in size, exhibit similar characteristics and time scales.